L’héritage des JO de Paris 2024, laboratoire de la construction de demain
Mission réussie pour la 10ème promotion du Mastère spécialisé en management et technique en entreprise générale (MTEG), formation co-fondée par EGF et l’ESTP. En charge de l’organisation d’une conférence sur la reconversion du village des athlètes des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, les étudiants du Mastère ont convié quatre spécialistes du sujet à partager leur retour d’expérience sur la réversibilité des usages des bâtiments conçus et construits pour loger, dans un premier temps, les athlètes olympiques et paralympiques pendant les Jeux, avant d’être transformés en logements ou bureaux.
Louis Rabit, le directeur de Programmes d’Eiffage Immobilier, Sebastien Carminati, le directeur Grands Projets chez VINCI Construction France, Olivier Bienaime, le directeur Grands Projets d’Eiffage Construction et Nicolas Volckaert, directeur des affaires juridiques d’EGF, ont éclairé par leur connaissance ce sujet d’actualité (la remise des ouvrages à la société de projet Paris 2024 intervient le 2 novembre prochain) qui préfigure la construction de demain.
Un laboratoire d’idées et d’initiatives
Pour Sebastien Carminati, en charge du programme du quartier Universeine pour VINCI Construction France, tout comme pour Olivier Bienaimé et Louis Rabit, en charge du programme « Les Belvédères » pour Eiffage construction, au sein de la ZAC du village des athlètes, le facteur clé de la réussite d’un tel projet, c’est d’associer le plus en amont possible toutes les parties prenantes. La mise en œuvre d’un bâtiment réversible est complexe. Elle se caractérise notamment par un permis de construction double état, mais avec une seule réception d’ouvrage, la vente d’immeubles neufs, mais déjà utilisés, avec un risque de vacance. La mise au point des garanties assurantielles et contractuelles complexes et originales sont donc à discuter dès le départ pour sécuriser financièrement les opérations. Les garanties biennales sont passées en quadriennales avec tous les fournisseurs, ce qui a créé pas mal de difficultés et nécessité beaucoup de pédagogie, ainsi que de l’imagination de la part des assureurs. « Tout a été discuté et décidé au sein du groupement d’entreprise. Le projet a été un laboratoire », explique Louis Rabit.
Collaboration de tous en mode projet
Sans surprise, l’opération a généré de nombreux ATEX. Les modes constructifs ont été massifiés et modélisés. Eiffage a par exemple créé un module bois/béton spécifique et formé ses équipes de gros œuvre à sa pose. « On a réussi à décloisonner et fonctionner en mode projet pour se focaliser sur l’innovation », indique Olivier Bienaimé. Une grande quantité de bois et de béton décarbonné, voire ultradécarbonné, ont été nécessaires pour répondre aux exigences RSE de l’aménageur public Solidéo : « Tous les curseurs ont été poussés au maximum de l’excellence environnementale », précise Sebastien Carminati. Le cahier des charges a imposé une importante végétalisation et des jardins fleuris dans le quartier des Belvédères, par exemple. Bâti sur un ancien site industriel qu’il a fallu dépolluer, UniverSeine a nécessité pour sa part un important travail de renaturation avec notamment la création d’un corridor de biodiversité.
La réversibilité est en marche
Pour tous les intervenants, cette expérience a fait grandir la filière du BTP et monter les équipes et les entreprises en compétences à un niveau rarement atteint. Reste maintenant à transformer l’essai. Pour ce faire, il faudra faire évoluer les normes réglementaires et les uniformiser pour simplifier les projets de bâtiments réversibles, estiment les intervenants. Idem pour le réemploi des matériaux et des équipements, prévu dans le cahier des charges de Solidéo mais peu effectif, car les relais logistiques manquent et la réglementation demeure trop contraignante, sans oublier un changement de culture qui doit s’opérer. Malgré les nombreuses difficultés évoquées, la réversibilité est en marche. Friches, bureaux obsolètes, raréfaction du foncier… constituent une opportunité de revoir le métier dans le respect des objectifs bas carbone que le pays s’est assigné.
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