Livre blanc taxonomie verte : trois questions à Armelle Langlois, présidente de la commission économie circulaire & environnement chantier d’EGF
Pour inciter les entreprises et les investisseurs à se diriger vers des projets respectueux de l’environnement, la taxonomie – élément clé du Pacte vert européen – fournit un langage commun sur ce qu’il convient d’entendre par activité « durable ». EGF vient de publier un Livre blanc afin de fournir une grille d’interprétation rendant les critères de la taxonomie applicables au secteur de la construction. L’occasion d’interroger Armelle Langlois, Présidente de la Commission Economie circulaire & environnement chantier d’EGF.
Pourquoi les entreprises générales s’intéressent-elles à la taxonomie ?
A court terme, le renforcement des exigences en matière de communication extra-financière va s’appuyer sur la taxonomie, notamment avec l’application de la directive européenne 2022/5464 dite CSRD (Corporate Sustainibility Reporting Directive), qui va concerner de plus en plus d’entreprises quelque soient leurs secteurs d’activités, mais aussi les donneurs d’ordre, les investisseurs… C’est un énorme changement qui va s’engager pour tous les acteurs économiques, l’objectif étant évidemment de les inciter à se concentrer sur ces activités dites durables.
Pour faire simple, la taxonomie est un système de classification, un dictionnaire, qui permet d’identifier clairement ce qu’est une activité durable sur le plan environnemental. En créant un référentiel partagé de ce qu’est une activité dite « durable », la taxonomie aura une influence majeure sur notre compréhension de la transition environnementale et sur les textes qui en découleront.
Son principe est le suivant : pour une activité donnée, l’entreprise doit vérifier sa conformité (appelée aussi alignement) avec l’un des 6 critères de contribution substantielle de la taxonomie que sont:
– l’atténuation du changement climatique ;
– l’adaptation au changement climatique ;
– l’utilisation durable et la protection des ressources hydrologiques et marines ;
– la transition vers une économie circulaire ;
– la prévention et le contrôle de la pollution ;
– la protection et le rétablissement de la biodiversité et des écosystèmes.
Puis, l’entreprise doit vérifier qu’elle ne porte pas de préjudice significatif aux 5 autres critères (Do no significant harm, « DNSH »).
Qu’est-ce qui vous a poussé à publier un Livre blanc ?
Le mécanisme à double cliquet de la taxonomie (soutenir substantiellement un des 6 critères tout en n’impactant pas significativement négativement l’un des 5 autres) est l’un des principaux enjeux mais aussi l’une des plus grandes sources de difficultés d’interprétation pour les acteurs.
En effet, la taxonomie nous livre des définitions manquant parfois sérieusement de clarté, tantôt par laconisme, tantôt par excès de précisions. Nous pouvons citer par exemple, dans le cas où le critère substantiel sur l’atténuation du changement climatique est choisi, l’extrême précision du DNSH sur les ressources hydrologiques concernant la consommation de chaque toilette à cuvette d’un ouvrage d’un côté et les objectifs très vagues regardant la démontablité dans le DNSH sur l’économie circulaire de l’autre.
En publiant ce Livre blanc, nous avons donc tout simplement cherché à fournir une grille d’interprétation qui rend les critères de la taxonomie applicables au secteur de la construction.
Pouvez-vous expliquer, en quelques mots, son contenu ?
Ce document a la forme d’un guide. Nous y analysons la démarche à engager pour évaluer l’alignement de nos activités à la taxonomie. Mais nous avons surtout étudié la taxonomie au regard de l’expertise de nos adhérents. Nous avons regardé la situation de la construction neuve et de la rénovation au regard des deux critères suivants : l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique. Notre analyse met l’accent sur les points qui présentent des difficultés d’interprétation et propose une lecture des textes qui rend cette réglementation applicable aux activités de construction. Pour rendre la taxonomie opérationnelle dans le secteur de la construction, il nous semble impératif que l’objectif en matière d’alignement soit évalué au niveau du projet dans son ensemble, avec un cahier des charges précisant l’objectif visé afin que ce soit clair aussi bien pour les parties à l’acte de construire que pour les investisseurs. Ensuite, chaque acteur doit être responsable de l’atteinte de cet objectif sur son périmètre d’intervention. Il est évident que faire le choix d’un projet aligné avec les critères de la taxonomie aura des conséquences notamment financières qui doivent être connues des financeurs et des bâtisseurs au moment de la définition même du projet.
Propos recueillis par EGF